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Les secrets du changement climatique 5/12
Coup de chaud sur les céréales !

Les moissonneuses tournent à plein régime en cette première semaine de l'été 2025, alors qu'une chaleur écrasante règne sur les campagnes de Charente. Depuis la cabine climatisée de son tracteur, Julien, céréalier dans le canton de Ruffec, aperçoit les silos de sa coopérative à laquelle il livrera dans quelques minutes sa première remorque de blé tendre. En attendant de vider cette première benne, il repense au témoignage de son père : " à mon époque, le rendement en blé augmentait presque chaque année par rapport à l'année précédente ". Cette progression, Julien ne l'a curieusement jamais connue depuis son installation. Pire ! Depuis qu'il a repris l'exploitation familiale il y a 20 ans, le rendement du blé a varié considérablement d'une année sur l'autre : 14 quintaux d'écart entre 2011 et 2012, 20 quintaux d'écart entre 2019 et 2020 ! De quoi secouer la trésorerie de l'entreprise. " Mais, qu'est-il donc arrivé au blé tendre entre l'époque de mon père et la mienne? " s'interroge Julien. " Pourquoi les rendements n'augmentent-ils plus comme autrefois ?"

Il a fallu attendre 2010 pour que la réponse à cette énigme soit trouvée, grâce à un travail mené conjointement par l'Inrae et Arvalis-Institut du Végétal. Les conclusions en sont claires. Après une longue période d'accroissement, le rendement du blé tendre a plafonné partout en France à partir du milieu des années 1990. Le principal responsable de cet arrêt brutal ? Le changement climatique. Il entraîne une augmentation du nombre de jours chauds durant la période de remplissage des grains. Or, les jours chauds - au-dessus de 25°C - pénalisent l'accumulation d'amidon dans les grains par un processus appelé "échaudage thermique". Donc, de plus en plus de jours chauds signifient de plus en plus d'impact négatif sur le rendement.

En Charente - pour poursuivre notre exemple - le rendement moyen départemental en blé tendre a augmenté de 1,1 quintal par hectare et par an entre 1960 et 1993, passant progressivement de 20 quintaux par hectare dans les années 1960 à 55 au début des années 1990. Une augmentation très proche de celle constatée au niveau national qui s'est établie à 1,2 quintal par hectare et par an. Le fruit de 35 ans de progrès en mécanisation, en amélioration variétale, en protection phytosanitaire, et en savoir-faire des céréaliers ! Mais depuis 1994, ce rendement n'évolue plus. En outre, il s'est mis à varier fortement : entre 42 quintaux par hectare en 2011 et 79 quintaux par hectare en 2019 pour la Charente ! A quelques nuances près (l'année de bascule notamment) la même trajectoire s'observe dans tous les départements de Nouvelle-Aquitaine (voir le site internet de la CRA Nouvelle-Aquitaine ). Il s'agit donc bien d'un phénomène général concernant l'ensemble des plaines céréalières régionales et françaises.

Examinées sur plusieurs années, les conséquences économiques de ce plafonnement sont considérables. En effet, si l'on tient compte de la surface cultivée chaque année et du rendement annuel départemental depuis 1994, on parvient à la conclusion que le changement climatique a fait perdre à la filière blé tendre en Charente 13,8 millions de quintaux en 31 récoltes (résultat cumulé de 1994 à 2024). Cela représente presque quatre fois la récolte annuelle du département : 3,5 millions de quintaux par an en moyenne de 2010 à 2024 ! Le calcul pourrait être réalisé pour chaque département de Nouvelle-Aquitaine : le résultat ne serait malheureusement pas très différent.

Des solutions ?

De quels leviers les céréaliers disposent-ils pour limiter (à défaut de la compenser totalement) cette érosion du rendement du blé tendre sous l'effet des jours chauds durant la fin du cycle cultural ? Ils sont aujourd'hui au nombre de deux. Le premier consiste à choisir des variétés de blé tendre dont la montaison et l'épiaison sont atteintes plus précocement. Cela a pour effet que la période de remplissage des grains se déroule un peu plus tôt dans le calendrier, diminuant ainsi la probabilité de rencontrer des jours chauds. Le second levier consiste à choisir de nouvelles variétés sélectionnées pour leur tolérance aux fortes températures. L'Inrae en a fait la présentation au salon de l'agriculture 2025 à Paris, et les premières d'entre-elles commencent à être proposées dans les catalogues variétaux.

Alors, à quoi les céréaliers de Nouvelle-Aquitaine doivent-ils s'attendre au cours des prochaines années et décennies en termes de rendement du blé tendre ? Les jours chauds durant la période de remplissage des grains vont devenir de plus en plus nombreux, et les températures atteintes de plus en plus élevées. Le défi de la filière blé tendre va donc bel et bien consister à tenter de maintenir les rendements de ces dernières années malgré des coups de boutoirs croissants assénés par des printemps devenant de plus en plus chauds.

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