Commerce international
USA : Ce seront bien 15 % de droits de douane pour les vins et spiritueux
La publication d'un communiqué sur l'accord commercial avec les États-Unis par la Commission européenne vient doucher les espoirs de la filière Vins et spiritueux pour un traitement différencié.
La publication d'un communiqué sur l'accord commercial avec les États-Unis par la Commission européenne vient doucher les espoirs de la filière Vins et spiritueux pour un traitement différencié.

Certaines guerres s'achèvent par un armistice, d'autres par une capitulation ; dans le cadre du conflit commercial entre les États-Unis et l'Union européenne, c'est clairement le second cas qui s'applique. Le texte de l'accord-cadre publié par la Commission européenne le 21 août évoque bien le fait que les USA et l'UE "négocieront des règles d'origine qui garantiront que les avantages de l'accord sur le commerce réciproque profitent principalement aux États-Unis et à l'Union européenne", mais le texte semble concrètement beaucoup plus favorable aux intérêts américains.
En plus de la taxe généralisée de 15% sur les exportations européennes aux USA, l'achat de 750 milliards de dollars de produits énergétiques, de 40 milliards de dollars de puces électroniques, accroissement des investissements militaires auprès de fournisseurs américains et de ceux des entreprises européennes outre-Atlantique font partie des mesures les plus visibles (et les plus coûteuses). Mais d'autres points peuvent alerter, puisqu'ils s'attaquent à certaines barrières réglementaires mises en place par l'Europe, notamment dans les domaines du numérique... Ou de l'agro-alimentaire.
Un "accès préférentiel au marché" pour les producteurs américains...
Ainsi, les deux parties "s'engagent à travailler ensemble pour s'attaquer aux obstacles non tarifaires affectant le commerce des produits alimentaires et agricoles, y compris la rationalisation des exigences en matière de certificats sanitaires pour le porc et les produits laitiers". L'UE doit également s'engager "à œuvrer pour répondre aux préoccupations des producteurs et exportateurs américains concernant le règlement de l’UE sur la déforestation".
Les producteurs américains auront par ailleurs "un accès préférentiel au marché" pour un large panel de produits : "les noix, les produits laitiers, les fruits et légumes frais et transformés, les aliments transformés, les semences de plantation, l'huile de soja et la viande de porc et de bison".
...et pas de réciprocité pour les Européens
En revanche, l'agriculture européenne n'aura droit à aucun traitement de faveur outre-Atlantique, y compris le secteur des vins et spiritueux. "Malheureusement, nous n'avons pas réussi à ce que ce secteur" soit inclus dans les exemptions, a déclaré le commissaire européen Maros Sefcovic lors d'une conférence de presse en présentant les détails de l'accord commercial noué entre l'UE et l'administration Trump fin juillet. Il a ajouté que les discussions se poursuivraient et que "ces portes n'étaient pas fermées pour toujours". Cette exemption aux droits de douane de 15 % pour les vins et spiritueux était vivement réclamée, en particulier en France et en Italie.
La Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) a d'ailleurs fait part de son "immense déception" dès la publication du détail de l'accord. "On a travaillé énormément pour obtenir l'exemption et elle était à portée de main. Nous avons la certitude que cela entraînera de grosses difficultés pour la filière des vins et spiritueux", a déclaré à l'AFP le président Gabriel Picard. D’après lui, ces 15 % s'ajouteront aux "15% d'effets de change que la filière observe déjà" en exportant aux États-Unis, son premier marché, du fait de la faiblesse actuelle du dollar par rapport à l'euro.
L’effet combiné "pourrait aboutir à une réduction d'un quart de nos ventes aux États-Unis, soit une perte de 1 Md€", avait estimé le 1er août la FEVS. En 2024, la France y a écoulé 2,4 Md€ de vin et 1,5 Md€ de spiritueux (environ 25 % de ses exportations).
Le gouvernement français a également réagi aux annonces de la Commission. "La défense de nos secteurs à l'export reste notre priorité. L'accord laisse ouverte la possibilité d'exemptions additionnelles, nous y travaillerons", a indiqué le ministre français du Commerce extérieur Laurent Saint-Martin. La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a quant à elle déploré le texte rendu public. "Cet accord, déséquilibré, porte atteinte aux intérêts français et européens en matière agricole", a-t-elle écrit sur le réseau social X. "Il impose des droits de douane de 15 % aux produits européens exportés vers les États-Unis, tout en offrant un accès accru aux produits américains sur le marché européen."
"C’est une source d’inquiétude majeure pour nos filières emblématiques."
"Je regrette particulièrement l’absence d’exemption pour les vins et spiritueux, alors même que la France et d’autres pays avaient souligné l’importance prioritaire de ces produits. La situation ne peut en rester là. Ce point n’est d’ailleurs pas clos, et je demande instamment aux négociateurs européens qu’ils en fassent une priorité des prochains échanges qu’ils auront avec les autorités américaines, dans les semaines et les mois qui viennent. J’attends en outre des mesures européennes fortes pour soutenir les producteurs qui seraient pénalisés par ce résultat inacceptable", a conclu la ministre de l'Agriculture.