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Terrena et Agrial : un projet de fusion qui interroge

Il y a quelques jours, Terrena et Agrial annonçaient réfléchir à un projet de rapprochement. La rédaction est allée demander aux premiers concernés, les agriculteurs qui livrent à ces deux coopératives, ce qu'ils en pensent.

Éric Forin, Directeur général de Terrena, Olivier Chaillou, Président de Terrena, Bernard Guillard, Président d'Agrial et Julien Heillaut, Directeur général d'Agrial.
Éric Forin, Directeur général de Terrena, Olivier Chaillou, Président de Terrena, Bernard Guillard, Président d'Agrial et Julien Heillaut, Directeur général d'Agrial.
© Terrena

Les rapprochements entre OPA ne sont pas nouveaux, mais celui annoncé le 22 septembre par Terrena et Agrial n'est pas des moindres. Pour mémoire, Agrial compte 12 000 coopérateurs et 17 500 collaborateurs, pour un chiffre d'affaires de 7,1 milliards d'euros. Terrena compte, elle, 18 000 coopérateurs, 13 000 collaborateurs et affiche un chiffre d'affaires de 5,6 milliards d'euros.

Le projet

Une fusion des deux aboutirait donc à la création du premier groupe coopératif français avec 12,7 milliards€ de chiffre d'affaires et 4,5 % de la production agricole nationale. Le projet a pour objectif de densifier le "maillage territorial afin de maintenir un haut niveau de service et d'accompagner le renouvellement des générations ", " construire des filières agricoles et agroalimentaires créatrices de valeur pour tous " et " accompagner la transition agroécologique au plus près des territoires ", selon le communiqué. La coopérative normande Agrial, basée à Caen, est présente dans les légumes, les céréales, la charcuterie, le lait, le cidre et détient un réseau de 290 magasins. Terrena, basée à Ancenis, est elle surtout présente dans la volaille, les œufs, les viandes bovine et porcine, les productions végétales, les vins effervescents et possède un réseau de 115 magasins. " Ce projet porté par les conseils d'administration des deux coopératives, est actuellement en phase d'étude et sera soumis au vote des adhérents réunis en assemblées générales ". Il sera discuté au cours de l'année 2026. Sur le terrain, un adhérent Terrena de la Vienne (* Nous avons choisi de faire témoigner des coopérateurs Terrena et Agrial de la Vienne sans dévoiler leur identité, afin de leur permettre de s'exprimer sans retenue) se dit "surpris, car il s'agit vraiment de deux gros groupes, et ça me questionne sur la gouvernance". Ce céréalier de la Vienne, qui a appris ce projet ce 22 septembre, par mail, se pose beaucoup de questions.

Perte du modèle coopératif ?

"Marier deux structures comme ça, c'est un défi. Pour quel projet ? Et en quoi ça va nous apporter un plus ?". Un autre agriculteur en polyculture élevage de la Vienne estime que "de telles structures sont plus des agro-industriels que des coopératives". Lui qui est à Terrena "par tradition familiale" se pose des questions, sans pour autant envisager de quitter la coopérative. "Je suis en polyculture élevage, donc je n'ai pas le temps de vendre autrement mes céréales..." Il estime que ce sont certainement les filiales qui les font vivre. Une surprise un peu moins importante pour un éleveur de la Vienne, coopérateur chez Agrial. "Le projet avait fuité, donc on en avait déjà entendu parler. Mais ma première réaction, ça a été de l'inquiétude. Agrial, c'est déjà un gros groupe, et là, on se demande ce que ça va devenir." Ce qui l'inquiète en priorité, c'est le prix du lait. À l'inverse, une céréalière et éleveuse de la Vienne, qui travaille avec Terrena pour ses céréales, pense que "pour avoir du prix, il faut du regroupement". Le céréalier de la Vienne craint lui de "perdre l'esprit coopérateur." Selon lui "plus la structure est grosse, plus les administratifs sont forts, face aux coopérateurs. Il faut avoir une vision nationale et même européenne pour gérer de telles structures..." L'éleveur de la Vienne assure avoir confiance dans sa coop, mais "la dynamique du lait dans la Vienne n'est pas déjà top, ça interroge. Et je me demande quel poids on va avoir".

D'autres fusions déjà expérimentées

L'agricultrice de la Vienne, qui a déjà vécu ce type de rapprochement pour la partie élevage, avec une autre coopérative, convient que cela risque de "nous éloigner politiquement, car on n'a plus la main... On peut être contre, mais le porte-monnaie dit qu'il faut y aller". Un éleveur Agrial du département, qui s'inquiète tout de même un peu de ce projet de rapprochement estime que "c'est inéluctable. On voit que les coopératives laitières du Nord se regroupent, et donc pour peser, il faut aussi grossir. Pour essayer de peser face aux grandes surfaces, c'est la même chose. Ou bien, il faut être une toute petite coop, sur un marché de niche. Par contre, je ne comprends pas pourquoi les coops n'arrivent pas à tirer vers le bas le prix des agrofournitures, même en pesant plus". L'éleveuse revient sur les évolutions qu'elle a connues lors de l'évolution de sa coop d'élevage. "Effectivement, avant, on appelait un technicien et il était sur la ferme dans l'après-midi. Et ce n'est plus le cas. Mais ça oblige à anticiper et c'est peut-être pas si mal. Et on a des outils, notamment informatiques, qui permettent de compenser". Un avis partagé par un agriculteur retraité du département, et qui a aussi été administrateur de Terrena. "Pour les outils industriels, c'est intéressant de faire des économies d'échelle. Actuellement, en Loire-Atlantique ou en Mayenne, il y a des outils qui peuvent faire doublon". Pour un autre céréalier de la Vienne, "il pourrait y avoir des formes de coopération pour commencer, et apprendre à se connaître, sans aller vers une fusion". L'ancien administrateur Terrena, qui a vécu plusieurs rapprochements dans la Vienne convient que ce type de rapprochement doit être "bien présenté aux adhérents. Ils doivent s'y retrouver. Et il y a un gros travail à réaliser pour harmoniser les taux de capital social". Ce qui selon lui est rassurant, c'est que ce travail de rapprochement se fait alors qu'aucune des deux coopératives n'est en difficulté.

Les différents rapprochements qui se sont faits dans la Vienne, avec l'union entre la Caval et GCA, puis le rapprochement avec la Cana, s'étaient à l'époque déroulés dans une certaine tension financière. Un autre éleveur de chez Agrial estime d'ailleurs que la fusion entre Eurial et Agrial a eu des effets positifs. "Il y a eu la mise en place de commissions, qui permettent plus de transparence et de transversalité". "C'est aux élus de s'entendre, et d'avancer les uns vers les autres. Effectivement, il y a un gros travail pour garder l'âme de nos coops, mais ce n'est pas impossible" ajoute l'éleveuse. Pour les agriculteurs qui sont à la fois chez Terrena et Agrial, l'inquiétude est aussi palpable. "On en entend beaucoup parler autour de nous. Moi, j'aime bien mon indépendance, et le fait d'acheter certains produits chez Terrena et d'autres chez Agrial" témoigne un éleveur de la Vienne, qui préfèrerait ne pas avoir tous ses œufs dans le même panier.

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