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Paille dans la Vienne: volumes à la baisse, prix à la hausse

Habituellement, les besoins en paille des éleveurs de la Vienne sont couverts par 40% de ce qui est produit dans le département. Cette année, entre des surfaces à la baisse et des rendements mauvais, c’est plus de 70% de la production qu’il faudrait pour couvrir les demandes. Difficile donc pour les éleveurs de faire leur stock, et surtout à des prix corrects.

50 euros derrière la moissonneuse-batteuse, alors que la paille est habituellement vendue autour de 25 à 30 euros la tonne dans la Vienne. C’est ce que constate Olivier Pagnot,  chef du service productions végétales de la chambre d’agriculture. Dès le printemps, la chambre consulaire s’était inquiétée d’un éventuel manque de paille, et donc d’une hausse de son prix, en constatant les conditions climatiques très pluvieuses de l’automne et hiver  qui avaient  conduit à réduire la surface en céréales d’automne, puis le faible développement des cultures. La chambre incitait  alors les éleveurs à anticiper le manque en s’inscrivant sur la plateforme proposée sur son site internet. « Nous avons eu beaucoup de demandes, et peu d’offres...» se désole Olivier Pagnot, qui sait que des élevages du département n’auront pas de quoi pailler leurs animaux toute l’année. Soit parce qu’ils n’ont pas produit suffisamment de paille, et doivent donc en acheter, soit parce qu’ils en achètent tous les ans, mais que les prix de cette année ne vont pas leur permettre d’acheter tout ce dont ils ont besoin. « J’ai des appels tous les jours d’éleveurs de la Vienne » assure Tanguy Ouvrard. Le marchand de paille de Cuhon commercialise de la paille de la Vienne et d’Indre-et-Loire, en grande majorité en Bretagne, et se retrouve bien ennuyé de ne pas pouvoir répondre aux demandes des agriculteurs du département. « Avec d’autres collègues marchands de paille, mais aussi les entrepreneurs des territoires, nous avons alerté l’administration ainsi que des politiques locaux dès le mois de mai, pour demander une interdiction de broyer » précise Tanguy Ouvrard. Il regrette que cette interdiction soit intervenue le 15 juillet. « Il aurait fallu interdire dès la fin juin...»

Un prix spéculatif?
Mais qu’est-ce qui fait que le prix de la paille a progressé? Est-ce juste parce que tout ce qui est rare est cher? Selon Tanguy Ouvrard, c’est notamment parce qu’il faut aller se fournir plus loin et dans plus de parcelles. « Puisque les rendements ont été faibles, nous avons rélaisé plus d’aller-retour que d’habitude. J’ai consommé autant de carburant que l’année dernière, alors que j’ai 40% de paille en moins. Cela représente déjà
15 à 18 euros de plus par tonne ». Il craint  aussi un effet collatéral de la Covid-19. « Je vais aller chercher la paille qui me manque en Espagne. Mais puisque les transports routiers de pommes destinées à produire du cidre ou de ferraille notamment, ne se font plus, il faudrait que j’affrète des camions qui descendraient à vide. Et là, ça me parait compliqué financièrement...» lance Tanguy Ouvrard, qui redoute encore plus une fermeture des frontières.
Du côté des syndicats, cette nouvelle tuile inquiète également. « Beaucoup d’éleveurs avaient bien prévu de faire le plein de paille, mais les rendements n’ont pas été bons » explique Denis Bergeron. Le président de la FNSEA de la Vienne ajoute que dans certains départements, la situation est encore pire que dans le Vienne. Nicolas Fortin se dit particulièrement inquiet et dénonce également les utilisations de paille concurrentes à l’élevage. « Dans des années comme celle-là, la chaudière à paille de Grand Poitiers, ou l’utilisation de paille dans des méthaniseurs, ça nous paraît aberrant » lance le porte-parole de la Confédération Paysanne de la Vienne. « Nous avons envoyé un courrier à Florence Jardin (N.D.L.R. : présidente de Grand Poitiers) le 10 juillet au sujet de la chaufferie à paille, mais nous attendons toujours une réponse » regrette Guillaume Poinot. Le président de la Coordination Rurale de la Vienne estime qu’outre consomer de la paille, cet équipement fait également grimper les prix. « Et puis il y a peut-être aussi un problème structurel. On a augmenté l’assolement en légumineuses pour nourrir les animaux, ce qui est très bien, mais cela pose aussi des problèmes de dépendance pour la paille ».


Quelles solutions?
Face à la situation, les syndicats espèrent tous que la solidarité va jouer, à la fois entre céréaliers et éleveurs, mais aussi entre départements. Depuis deux ans, la chambre d’agriculture de la Vienne a d’ailleurs mis en place un échange paille fumier avec 7 agriculteurs de Haute-Vienne. Près de
300 tonnes ont cette année été livrées à Cédric Meunier. « Le réseau fait que nous avons réussi à maintenir un prix convenable » se félicite l’éleveur du département voisin et membre du groupe, qui estime que les opérateurs de la Vienne ont joué le jeu. Parmi les autres solutions, Agri-Echanges propose depuis 3 ans à ses adhérents de leur trouver de la paille chez un céréalier, et fournit à ce dernier un engrais naturel à amender sur leurs terres, en guise de dédommagement. La structure de la Vienne a ainsi livré  2600 tonnes de paille cette année. « Ce qui est intéressant, c’est qu’Agri-Echanges s’occupe de tout » explique Christian Mancelle. L’éleveur de Limousines de la Trimouille a fait appel pour la seconde année consécutive au réseau et se dit soulagé de ne pas avoir eu à gérer la négociation sur le prix. « Quand on fait appel régulièrement à un marchand de paille, je pense que c’est plus simple. Mais je sais que quand on est un nouveau client, c’est difficile d’obtenir un prix raisonnable » ajoute l’agriculteur. Lui qui a besoin de 500 tonnes de paille par an, en a acheté 300 en andain, et en a commandé une centaine de tonnes par Agri-Echanges, qu’il a réceptionné il y a quelques jours.

Se passer de la paille?
Alors que les épisodes de manque de paille se répètent ces dernières années, impossible de ne pas penser aux autres solutions. Tout d’abord parmi les autres cultures. À Cuhon, Tanguy Ouvrard propose de la paille de lin, mais explique que cette paille doit être «démélée». Il réalisera aussi certainement de la paille de maïs. « Mais la paille de maïs absorbe moins bien, et le matériel n’est pas non plus adapté » explique Olivier Pagnot. Bref, la paille de blé reste de loin bien plus adaptée. « Je réfléchis également à utiliser de la dolomie, mais je n’ai pas encore pris le temps de me pencher sur le sujet » ajoute Christian Mancelle. Parmi les autres solutions possibles, l’utilisation de paille de miscanthus est également souvent évoquée. Mais dans la Vienne, les champs se comptent encore sur les doigts d’une main. Et c’est aussi la solution mise en avant par Grand Poitiers, quand on évoque la consommation de paille de sa chaufferie...
Et bien sûr, quand un éleveur ne dispose plus de paille du tout, le risque, c’est la décapitalisation. « Acheter de la paille pour nourrir des broutards dont le prix ne cesse de baisser, je ne sais pas si c’est la bonne solution, en fait...» se désole Christian Mancelle qui réfléchit à baisser son cheptel l’année prochaine. Comme certainement beaucoup d’éleveurs de la Vienne, qui pourraient même le faire plus rapidement.

Utiliser les jachères?
Face à la sécheresse qui concerne une grande partie de l’hexagone, le ministre de l’agriculture a autorisé le 31 juillet l’utilisation des jachères pour l’alimentation de leurs animaux, dans 47 départements. Mais pas dans la Vienne. « Nous avions demandé que ce soit possible dans le département » réagit Denis Bergeron. « Mais de toute façon, j’ai peur que ces jachères ne représentent pas grand chose, elles sont souvent bien sèches!».

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