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Stockage de l'eau agricole
La transition agroécologique, l’enjeu des réserves de substitution

Partisans et opposants parlent de la nécessaire transition agro-écologique. Pour les premiers les réserves de substitutions sont des outils au service de celle-ci, pour les autres bien qu’ils ne soient pas opposés à l’irrigation, les "bassines" symbolisent l’ultra-libéralisme.

Quand José Bové nomme « ce territoire (ndlr: la plaine de Niort), cette région tout autour, le pays de l’absurdie », Jean-Marc Renaudeau, moins figuratif, parle d’un lieu où « des gens qui ne se parlaient pas ont appris à s’écouter, à construire ensemble dans le compromis ».

Quand le premier dénonce « un territoire sans haie, des champs de maïs à perte de vue », l’autre parle « du schéma de biodiversité construit avec les associations signataires du protocole (ndlr : consensus autour de la construction de 16 réserves de substitution sur le bassin de la Sèvre niortaise) qui conduit à la plantation de nouvelles haies avec une logique de création de corridors écologiques ».

Quand le représentant du mouvement altermondialiste affirme, « à quelques endroits où l’on monte, on voit des porcheries industrielles, des fermes avec des méthaniseurs et dans les champs autour, des cultures à mettre dans le méthaniseur parce que la merde liquide ne suffit pas pour faire du gaz », le président de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres met en avant la particularité d’Epannes : « La moitié des surfaces agricoles de cette commune est aujourd’hui en agriculture biologique ou en conversion. C’est là l’effet du protocole », juge-t-il. Le compromis trouvé il y a deux ans lors de la signature du projet collectif de réserves, dont les volumes attribués seront gérés par un organisme public d’Etat, précise-t-il, fait avancer les agriculteurs dans la transition agro-écologique attendue par la société ». Le protocole  conditionne l’accès à l’eau à des évolutions de pratiques. « Un cadre contraint, loin des pratiques libérales dénoncées ».  

Changer de modèle

Le week-end dernier, le temps d’une journée, c’est à Epannes, petite commune du sud Deux-Sèvres, que les militants « anti Bassines », ont choisi d’établir le camp de « l’ultime bataille ».

2500 à 3000 personnes ont fait le déplacement pour « s’opposer à la prédation insupportable du bien commun qu’est l’eau », déclarait Yannick Jadot, président d’Europe Ecologie les verts en conférence de presse. « Ce projet (ndlr : les 16 réserves de substitution) est une fuite en avant. Il n’y a pas d’eau magique, lançait-il à l’adresse de la FNSEA qu’il accuse d’être à l’origine de la fin de quotas laitiers et sucriers ; quotas dont la disparition a selon lui amené de nombreux paysans à la faillite ». « Nous devons changer de modèle agricole, sortir d’un modèle agro-industriel qui a failli », poursuivait Loïc Prud’homme, député La France insoumise de la Région. Nous voulons aller vers une agriculture locale et paysanne qui offre des revenus pour les paysans et une autonomie alimentaire sur les territoires et dans le pays ». 

Toutes les réponses à vos questions sur le projet de réserves de substitution de la Sèvre Niortaise (août 2018), en accès libre, via la liseuse : L'eau nourrit les échanges

L’accès à l’eau accélère les pratiques bio

Mobilisés en marge de ce rassemblement, non loin du cœur d’Epannes, les porteurs du projet et leurs soutiens étaient présents pour les agriculteurs qui œuvrent ici. « Ils étaient sous tension ce week-end alors que ces dernières années ils ont œuvré dans le sens des attentes sociétales », commente avec empathie le président de la chambre d’agriculture. Sécurisés par la disponibilité promise des volumes d’eau, ces agriculteurs ont « entrepris des démarches de conversion à l’agriculture biologique ; ils produisent du lait pour la filière AOP ; ils investissent dans des unités de méthanisation pour produire de l’énergie verte ; ils produisent des céréales, du maïs aussi pour les coopératives que certains qualifient de géants agro-industriels », énumère Jean-Marc Renaudeau avant d’affirmer, lundi 12 octobre, lors d’une conférence de presse : « la transition agro-écologique est engagée. Et la garantie d’un accès à l’eau l’accélère ».  

Déterminé à revenir sur les chiffres communiqués tout au long de ce dimanche de mobilisation, le président de la chambre d’agriculture rectifie :  « Le pourcentage d’irrigants sur la zone concernée par le projet n’est pas de 8% mais de 15%. La gestion des volumes est publique. Leur affectation est régie par un règlement co-construit. Les personnes intéressées par l’irrigation doivent se manifester. Si le raccordement est techniquement possible, il n’y a pas de raison qu’elles ne bénéficient pas des volumes disponibles. Là où certains parlent d’augmentation des consommations, le compromis repose sur des prélèvements divisés par trois en été ». Et de poursuivre avec l’aide de Frank Michel, économiste à la chambre d’agriculture, par un point sur les surfaces irriguées : « Sur les 10 à 12 000 ha irrigués au cœur du bassin-versant concerné, loin des chiffres avancés, la culture du maïs grain représente 25% (41% en 2014), le maïs ensilage 8% (14% en 2014), les céréales à paille 37%, les cultures spéciales 10%, les oléagineux 8% et les protéagineux 11% ».

Contraints par un accès à l’eau devenu payant, les exploitants revoient leurs systèmes d’exploitations. « La stratégie est celle de la valeur ajoutée », poursuit Jean-Marc Renaudeau espérant que cette orientation permette de résoudre plusieurs maux de l’agriculture : « Sur une exploitation irriguée le seuil de viabilité est atteint avec une surface contenue, inférieure à la moyenne départementale. Sécuriser l’eau est un atout pour garder une dynamique agricole en Deux-Sèvres ».

"Les financements publics sont la contrepartie des efforts acceptés par les agriculteurs"

La chambre d’agriculture devrait-elle, à l’image de la mobilisation de ce week-end, organiser des évènements pour communiquer autour du projet ? A cette question, Jean-Marc Renaudeau et son équipe considèrent que le travail a été fait ces dernières années. A la bataille médiatique qui survole le dossier, les professionnels ont préféré le travail de fond qui a abouti, au bout de 10 ans de négociations, à un compromis autour de l’usage de l’eau, les pratiques agricoles, la transition agro-écologique. « Les financements publics sont la contrepartie des efforts acceptés par les agriculteurs. Le protocole vit, continue d’évoluer au sein du comité scientifique qui réunit des experts dont certains travaillent au CNRS, d’autres à l’INRA, au BRGM, à l’école nationale des paysages», précise le président de la chambre d’agriculture. Bien que contesté par le collectif Bassines non merci ce travail existe, certifie Jean-Marc Renaudeau, déterminé à le faire savoir par d’autres moyens que ceux utilisés le week-end dernier.
 
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