Les maires ruraux font des trucs magiques
Cette fin de semaine, la Vienne accueille le congrès de l'Association des maires ruraux de France. Son directeur, Cédric Szabo, a publié au printemps dernier, un essai pour valoriser les élus de nos petites communes et susciter l'engagement aux prochaines élections municipales.

Vos fonctions de directeur de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) vous permettent d'être en contact avec beaucoup de maires de nos petites communes. Comment vont-ils à 6 mois des élections municipales ?
Les sentiments sont contrastés. Il peut y avoir du découragement ou un sentiment d'impuissance. Parfois ce sont les effets d'un récit négatif que l'on entend dans les médias nationaux, concernant notamment les agressions. Elles existent mais ce n'est que le 8e facteur de stress des élus locaux aujourd'hui.
Pourquoi êtes-vous optimiste à l'aube des prochaines élections ?
Parce que tous les jours je parle à des maires qui me racontent leur plaisir à être utiles aux autres. Je les ai au téléphone parce qu'ils cherchent une solution à tel ou tel problème, c'est vrai. Mais quand on leur demande : "de quoi êtes-vous le plus fiers ?", ils répondent que c'est la satisfaction de transformer son village ou sa petite ville. Alors, oui, je suis plutôt optimiste. Malheureusement, on parle beaucoup des municipales à venir dans les grandes villes et peu dans nos villages où chacun discute. Est-ce que le maire actuel y retourne ou cède sa place à un de ses adjoints ? Est-ce que d'autres listes se constituent? Le processus est en cours dans cet espace invisible que sont les communes rurales.
Il y a une forme de fierté à être élu local, et rural ?
Oui, sans en faire des caisses comme on dit vulgairement mais des trucs magiques qui, mis côte à côte font un écosystème qui tient. Parce que les élus ruraux savent qu'ils tiennent la barque d'un collectif qui tangue parfois. L'espace municipal c'est le réceptacle de l'envie de donner du temps aux autres. Je cite quelques exemples dans le livre.
Pourquoi dîtes-vous quand même que les élus sont des fous ? Est-ce que cela va inciter les citoyens à s'engager ou ne craignez-vous pas de leur faire peur ?
Je parle du bon côté de la folie. Celle qui amène à se dépasser, à faire des choses que l'on aurait jamais faites. Mais il n'y a pas que le maire. Il y a aussi son équipe municipale et les associations du village.
Vous conseillez aux élus sortants de faire lire votre livre, "la démocratie du quotidien" à d'éventuels candidats pour les convaincre de s'engager ?
Oui bien sûr. J'exprime aussi que s'engager en tant qu'élu permet de se réaliser, se révéler à travers des actions de proximité pour les habitants de sa commune et c'est très valorisant. Mais je pense aussi que mon livre peut être lu par ceux qui ne pensent pas à s'engager dans les prochaines élections. D'abord parce que ça les fera peut-être changer d'avis. Et puis parce que ce sera aussi sans doute l'occasion de ressentir un sentiment d'admiration pour leur maire. Qu'ils se disent: " Franchement, bravo pour ce qu'il fait pour la commune".
Vous parlez de la commune comme "le 1er échelon de la vie démocratique". Une démocratie que vous qualifiez de "créative, combative, ardente et pragmatique". Mais vous interpellez aussi l'État pour que des réformes facilitent l'engagement. Qu'elles sont-elles ?
En effet cela ne suffit pas de vanter les mérites de l'engagement dans les communes. Des réformes sont nécessaires. Nous avons réussi à avoir la loi pour le scrutin de liste et la parité pour les communes de moins de 1000 habitants. C'était un combat de l'AMRF. Il y a aussi le statut de l'élu et il y aura une loi. Elle est seulement retardée. Il faudra aussi parler des compensations financières à être élu. Il faut bien se dire que la valeur sociale du temps de nos élus ruraux est largement sous-estimée, évaluée pourtant à 3 milliards d'euros. Cela ne coûte rien à l'État mais si ce n'est pas fait par les maires, qui le fera ?
Ces besoins de réformes seront abordés avec la Présidente de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat, lors du congrès des maires ruraux ?
Le discours sera offensif en effet. Il faut faire pression pour que ces réformes soient étudiées rapidement car ces dispositions pourront faciliter l'engagement de ceux qui doutent encore. On attend le soutien de Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, qui seront présents ce vendredi au congrès des maires ruraux. Mais je sais que les textes font partie des priorités.