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« Le bien-être animal ne doit pas devenir un élément de segmentation »

Qu’on le veuille ou non, les conditions de vie des animaux d’élevage intéressent aujourd’hui au-delà des rangs des agriculteurs. L’Anicap a engagé un travail de concertation avec les ONG welfaristes.

Interview de Franck Moreau, membre de la cellule de concertation ouverte à l’initiative
de l’Anicap fin 2017.

 

Pourquoi cet engagement de la filière sur les questions de bien-être animal ?
F. M. : Nous avons été interpellés par Welfarm au printemps 2017. L’ONG regrettait que 60 % des chèvres élevées en France ne puissent pâturer. Plutôt que de s’installer dans un échange à deux, l’Anicap a choisi, par le biais de la concertation, de répondre aux associations welfaristes, et plus encore, d’ouvrir la réflexion sur les sujets qui les préoccupaient. Interbev travaillait déjà selon cette logique depuis près de quatre ans. Nous avons officialisé ce lieu d’échanges dès lors que Welfarm, CIWF et LFDA ont accepté notre proposition.

Ces interpellations sur le bien-être animal, si elles ne bousculent pas dans les campagnes, questionnent pour le moins des éleveurs qui se sentent jugés par des personnes qui, à leurs yeux, ne sont pas légitimes. N’y avait-il pas un risque à s’engager dans la démarche ?
F. M. : Pas une filière d’élevage n’est épargnée aujourd’hui. Qu’on le veuille ou non, les conditions de vie des animaux d’élevage intéressent au-delà des rangs des agriculteurs. Se fermer, refuser la concertation avec des ONG qui, sans remettre en cause l’élevage, cherchent à faire évoluer les conditions de vie des animaux, serait une erreur. Une telle posture ferait prendre le risque aux éleveurs de se voir imposer des règles inapplicables. Si naturellement, il y a des éléments de progrès à travailler, je pense que 90 à 95 % des pratiques sont conformes aux attentes de la société. Cette certitude doit amener chacun d’entre nous à aborder cette réflexion avec confiance.
Les associations avec lesquelles nous travaillons reconnaissent la légitimité de l’élevage. Elles reconnaissent la nécessité économique de la production. Leur impératif, c’est l’animal. Ce ne sont pas des organisations abolitionnistes. Face à l’idéologie, rien n’est possible.

Comment se sont engagés les échanges ? Avec quels objectifs ?
F. M. : Nous sommes entrés dans l’échange en faisant preuve d’une grande ouverture. Nous avons affirmé qu’il n’y aurait aucun tabou. Dès les premières rencontres, animées conformément à notre souhait par une tierce personne (voir l’article « Remettre de la complexité dans les débats » en page 11), nous avons listé avec les associations et les partenaires des producteurs membres de l’interprofession, les points qu’il était, de leur point de vue, essentiel d’aborder. Nous les avons hiérarchisés.
Le pâturage, bien entendu, était le premier. Viendront dans un deuxième temps, la séparation des jeunes de leur mère, la question sanitaire et notamment la gestion des abcès, l’écornage également.
Cette ouverture, nous y tenions. En revanche, en préambule des échanges, nous avons fait connaître à nos interlocuteurs les limites au-delà desquelles nous refuserions d’aller. Le bien-être ne doit pas devenir un élément de segmentation. Parce qu’il concerne tous les élevages, nous avons prévenu qu’aucun point d’accord ne serait possible en l’absence d’une proposition qui soit applicable dans toutes les exploitations.

Vous travaillez depuis deux ans maintenant sur le pâturage. Une position commune est sortie. Quelle est-elle ?
F. M. : Nous avons d’abord travaillé sur des temps d’écoute mutuelle. Chacun ayant exposé son point de vue sur la question, des spécialistes, des scientifiques, sont venus nous présenter les résultats de leurs travaux : certains sur les comportements naturels de la chèvre, d’autres sur l’alimentation ou encore les problématiques sanitaires.
Dans un second temps, nous avons visité des élevages. Une étape délicate. Il est difficile pour les éleveurs, dans le contexte de tension que nous vivons, d’ouvrir leur exploitation à des ONG. Pour pouvoir travailler ensemble, il faut sortir de la défiance et créer un climat de confiance. Nous y sommes arrivés. Aujourd’hui, on avance.
Ces différentes étapes ont permis à chacun de comprendre, de faire évoluer ses représentations. Aujourd’hui, en accord avec les associations, nous lançons un programme de recherche, suivi par l’Idele, autour de la conception des aires d’exercice. L’Anicap est financeur. Effectivement, au terme de cette concertation, chacun a convenu que plus que le pâturage, l’idéal pour le bien-être de la chèvre est un accès à l’extérieur. Pour pouvoir accompagner les éleveurs qui souhaiteraient faire évoluer leur exploitation, l’Idele va recenser et analyser les pratiques les plus vertueuses pratiquées en France. Dès lors, des recommandations techniques pourront être faites.

L’accès à l’extérieur est vu comme « l’idéal ». Mais celui-ci n’est sûrement pas accessible pour tous les éleveurs. Comment le climat de confiance sera-t-il maintenu si tout le monde n’avance pas dans ce sens ?
F. M. : La concertation s’est engagée avec cette volonté de faire des recommandations sans rien imposer. Les ONG savent qu’aucune évolution ne sera possible si l’équilibre économique des élevages devait être fragilisé. Le climat de confiance dans lequel nous travaillons permet de miser sur la progressivité. Les initiatives qui ont lieu ici et là sur le terrain nous donnent raison. Certains éleveurs se sont déjà engagés dans des aménagements. Le temps fera le reste.

 

La suite du dossier caprins dans Agri 79 du 20 septembre.

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