Le bâtiment veut des choix politiques stables
La confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) tenait son assemblée générale il y a quelques jours. L'occasion de revenir sur les problématiques du secteur dans la Vienne avec son secrétaire général, Benoît Labrunie.

Quelle est la situation du bâtiment ces derniers mois ?
Le contexte financier est meilleur avec la baisse des taux, une inflation maîtrisée et un frémissement des crédits à l'habitat mais cela ne permet pas au secteur de repartir. L'artisanat du bâtiment enregistre une baisse d'activité de 5 % en volume au premier trimestre 2025 par rapport au premier trimestre 2024. Le segment de la construction neuve reste le plus touché (-10 %) par rapport au premier trimestre 2024. Les logements individuels purs continuent de reculer fortement (-24,7 %). Les chiffres sont positifs pour les logements collectifs (+ 9,5 %) et en résidence (+ 13,8 %). Du côté de l'entretien-amélioration, le repli se poursuit (-2 %) au premier trimestre 2025. Les transactions dans l'ancien restent sous la barre des 800 000 ventes sur 12 mois à fin janvier. Elles sont pourtant le moteur traditionnel de travaux pour nos entreprises. Les ménages semblent hésiter à investir dans le logement, faute de visibilité, et repoussent leurs projets de travaux jugés non urgents.
Ces résultats se traduisent sur les carnets de commandes et les trésoreries ?
Les carnets de commandes affichent 70 jours de travail en moyenne. C'est 4 jours de moins que l'année dernière. Les trésoreries sont toujours sous tension au premier trimestre 2025. Plus d'une entreprise sur cinq fait état de besoins de financement liés à une baisse de l'activité et à l'allongement des délais de paiement de leurs clients. Côté emploi, à l'échelle nationale, c'est - 27 300 emplois sur un an au 4e trimestre 2024 et la tendance reste nettement dégradée sur la 1ère moitié de 2025.
Récemment, c'est l'arrêt de MaPrim'Rénov qui a provoqué une levée de boucliers du côté des professionnels du bâtiment. Qu'en est-il et qu'a fait la Capeb ?
Début juin, les ministres de l'Economie et du Logement annoncent en effet, brutalement, la fin du dispositif de MaPrim'Rénov à partir de l'été. C'est présenté comme une suspension, pour l'été. Ces aides à la rénovation seraient trop sollicités, les services de l'État en surchauffe et la suspension servirait à traiter les dossiers en attente. Notre mobilisation a permis d'obtenir l'arrêt de ce moratoire sur MaPrim'Rénov en ce qui concerne les travaux dits "geste par geste".
Les récentes décisions, arrêt du moratoire sur les travaux "geste par geste" et reprise des aides globales sont donc une bonne nouvelle ?
Oui mais c'est surtout l'illustration des politiques "stop & go" qui ne permettent pas aux entreprises d'avancer. Nous avons besoin de politiques publiques stables. Pour les aides "geste par geste" c'est bien, d'autant que nous pensons que c'est parfois une meilleure solution. Mais les décisions de cette semaine réservent les aides MaPrimRénov en rénovation globale aux ménages les plus modestes. Une bonne idée si cela ne s'était pas accompagné de plafonds d'aides, de 70 000 € à 30 000 € pour 2 classes énergétiques gagnées et 40 000 € pour 3 classes. On accroît le reste à charge des ménages très modestes qui n'ont pas d'épargne et sont dans l'incapacité d'emprunter. Donc, in fine, cela ne marchera pas.
Alors que selon la Capeb, la rénovation du bâti est la clé ?
Tout à fait. Il faudra des bâtiments neufs mais il faut rénover l'existant. Selon l'Ademe, 80 % des logements de 2050 existent déjà et doivent donc être rénovés. On parle de rénovations d'ampleur. Et cela va de pair avec un souci d'économies des fonds publics et une nécessité pour la transition écologique.
Vous parlez d'économies. La décision du gouvernement à propos de MaPrim'rénov devait aussi stopper les fraudes. Qu'en pensez-vous ?
Évidemment que la Capeb veut dire stop à la fraude aux aides RGE (reconnu garant de l'environnement). À travers un amendement, la Capeb avait d'ailleurs fait des propositions pour exclure les sociétés commerciales, qui ne bénéficient donc pas de ce label, mais peuvent sous-traiter à des entreprises labellisées et donc bénéficier des aides.
Et l'offre globale est justement trustée par ces grosses sociétés commerciales. L'amendement a été rejeté par la majorité des parlementaires. Pourquoi ? C'était pourtant un moyen de limiter les fraudes. Mais au lieu de cela, la loi votée les oblige à avoir ce label qu'en 2027. Encore deux ans à attendre.
D'ici là, qu'est-ce que les consommateurs peuvent faire ?
Faire travailler les artisans locaux et ne pas répondre au démarchage d'une société installée à l'autre bout de la France. C'est une bonne manière de faire vivre l'économie locale, dans sa commune, son département. Il faut jouer la proximité d'autant que ce ne sont pas nos artisans locaux qui génèrent les fraudes dont les ministres ont parlé.