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Colloque
La suspicion des consommateurs s’estompe au contact du producteur

En Poitou-Charentes, l’agriculture, la transformation agroalimentaire et le commerce alimentaire représentent plus d’un tiers du PIB régional et 15 % des emplois. Une réflexion autour du développement des filières régionales de vente est en cours.

L’Irqua et de la chambre régionale d’agriculture étaient à l’initiative du colloque « Créer une dynamique de vente 
régionale ».
L’Irqua et de la chambre régionale d’agriculture étaient à l’initiative du colloque « Créer une dynamique de vente
régionale ».
© DR

L’appel à projet « de la fourche à la fourchette » (*) lancé par la région Poitou-Charentes a reçu de nombreuses candidatures. « Quarante très exactement », dénombre Yvan Zanette attestant d’un intérêt particulier porté par les agriculteurs au principe de vente directe. Le concept du magasin niortais Plaisirs fermiers intéresse. De nouvelles initiatives pourraient voir le jour à moyen terme en région. Mardi 14 décembre, à l’Espace régional, aux Ruralies, le monde agricole et les représentants des collectivités locales s’en réjouissaient. Pour les uns comme pour les autres, le commerce de proximité, vente directe ou filière courte (nombre réduit d’interlocuteurs), est un projet d’avenir pour l’économie régionale. Une perspective que les artisans appréhendent avec prudence. Partenaires des filières de proximité, ils expriment leur inquiétude à l’évocation de circuits courts subventionnés par les collectivités locales. « Un modèle qui très vite pourrait les évincer », redoutait l’une des représentantes de la boucherie artisanale. 

Permettre à chacun de s’exprimer est un préalable lorsqu’on poursuit l’objectif de construire collectivement. L’Irqua et de la chambre régionale d’agriculture, à l’initiative du colloque « Créer une dynamique de vente régionale », savent que la réussite d’un tel projet dépend de la volonté de chacun à s’y investir. 

L’économie alimentaire de proximité est une réalité en Poitou-Charentes. Un état confirmé par les interventions de Franck Michel, économiste à la chambre régionale d’agriculture et Brigitte Bonnet, responsable du service démarches collectives à l’Irqua. « Les transformateurs des filières lait  et viandes s’approvisionnent essentiellement dans la région, à près de 80%. » « Les ventes de produits laitiers se font pour 20 % dans le grand ouest. Celles des viandes entre 40% et 60 % dans cette même zone. » Des tendances confirmées par les chiffres exprimés par les acheteurs. « La viande bovine distribuée par les artisans bouchers vient à 75 % de la région et celle qui prend place dans les rayons boucheries de la GMS provient à 49 % du territoire régional. Pour le chevreau et le lapin l’approvisionnement, à 85%, est régional. » 

 

La bonne image du producteur

La diversité des productions agricoles dont la région est dotée n’est probablement pas étrangère à cette tradition d’approvisionnement local. « Si nous fermions les frontières régionales, sur l’ensemble des productions que nous trouvons sur notre territoire, nous manquerions au regard de notre consommation, essentiellement de réformes laitières, de porcs, de fruits et de légumes », analyse Franck Michel pour illustrer l’hétérogénéité de la production régionale. 

Cette spécificité est une chance à en croire l’analyse de d’Agnès Alessandrin, consultante en  marketing. Selon elle, les messages alarmistes diffusés « par la presse » altèrent d’une manière générale la confiance que le consommateur place dans les produits qu’il achète. Un poids qui perturbe son comportement sauf s’il se trouve en relation directe avec le producteur, affirme-t-elle, avant d’assurer que « l’actuel climat de la consommation porte davantage le discrédit sur le distributeur que sur le producteur dont l’image chez le consommateur reste très positive ».  

Cette confiance inébranlable en la personne du producteur est une vérité selon Bruno Caillaud, de Coop Atlantique et Jean-Louis Vollier, du GIE Ovin. Ils témoignent l’un et l’autre d’une collaboration fructueuse. « La présence des éleveurs dans les rayons des magasins stimule les ventes. » Et Jean-Louis Vollier d’expliquer : « Cet investissement des producteurs aux côtés des distributeurs est un service qui permet d’imposer et de vendre en local, un produit qui pour le label rouge Le Diamandin est deux fois plus cher que les produits Irlandais ». 

Développer cette collaboration vertueuse entre les commerçants, les artisans et les agriculteurs d’un même territoire est un enjeu pour l’agriculture et l’économie locales. Par ailleurs, politiques et responsables professionnels agricoles s’intéressent au potentiel inexploité de la restauration hors foyer. Les Régions ont la main sur les lycées. « Le potentiel est de 10 millions de repas par an », dénombre Yvan Zanette. En Poitou-Charentes un programme visant à développer l’approvisionnement local est en cours. Mais souvent, la volonté se bute au code des marchés publics, mais également à une offre insuffisante et peu structurée. « Face à ces demandes qui changent, à ces volontés qui s’expriment, les agriculteurs, les coopératives aussi doivent s’adapter, s’organiser différemment pour organiser la mise en marché selon les besoins émergents », proposait Franck Michel, rappelant que l’enjeu est de taille. La transformation et la vente des produits au sein des territoires sont source de valeur ajoutée. « Si les producteurs n’y mettent pas leur nez, cette richesse va leur échapper. » Une invitation à ne pas rater le train qui passe.              

 

(*) soutien de la Région Poitou-Charentes au développement de projets de types magasins de producteurs.

Jacques Mathé, économiste au CER France Poitou-Charentes : « Il faut être très bon producteur, avoir les qualitésd’un transformateur et être commerçant »

« LES PRODUCTIONS locales ont la cote. C’est encore plus vrai aujourd’hui aux Etats Unis qu’en France. Mais, un mouvement de fond est en cours. Les transformations observées, s’opèrent en profondeur », exprimait Jacques Mathé, économiste au CER France Poitou-Charentes, dans le cadre du colloque. L’actuelle logique de « verticalisation » qui tend à rapprocher producteur et consommateur est une logique d’avenir selon l’expert. « Une parmi d’autres, affirme-t-il. On entre, avec le troisième millénaire, dans le royaume de la complexité. » Il décrit des comportements très changeants. « Consommateur d’un plat préparé ce soir par manque de temps, je serai demain consommateur d’un plat festif. Je mangerai cette viande bovine certes un peu chère, mais empreinte d’une notion de plaisir. » Avec la tendance à l’approvisionnement local, la segmentation des marchés se renforce. Les besoins continuent de se diversifier. Sur les territoires, certains ont pris conscience de l’opportunité que représente cette réalité. Depuis quinze ans, des projets de vente directe se développent dans les fermes. « Beaucoup de projets individuels, regrette l’observateur pourtant convaincu de l’intérêt du développement de la transformation des produits in situ. « Un porc transformé par le producteur apporte vingt fois plus de richesse au territoire qu’un porc traité dans les chaînes industrielles », compare-t-il. Mais, pour réussir un tel projet, il faut combiner bon nombre de compétences. « Il faut être très bon producteur, avoir les qualités d’un transformateur et être commerçant », détaille-t-il. Des exigences qui le portent à affirmer « que de tels projets ne réussissent qu’entre les mains des meilleurs, ou au sein de collectifs qui par une réflexion partagée, des investissements collectifs permettent d’atteindre une dimension économique viable ». Il cite pour exemple le travail engagé par les Cuma dans le domaine des ateliers de transformation. 

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