La silphie pour la méthanisation et le fourrage
Avec le projet Decisif (Décrire et expertiser la silphie perfoliée), la silphie s'installe dans la Vienne. Une culture innovante encore peu connue. Une réunion avec visite de parcelle se tenait la semaine dernière.
Avec le projet Decisif (Décrire et expertiser la silphie perfoliée), la silphie s'installe dans la Vienne. Une culture innovante encore peu connue. Une réunion avec visite de parcelle se tenait la semaine dernière.



De la famille des tournesols, originaire d'Amérique du Nord, la silphie a été introduite en Europe au début du XIXe siècle. Les premiers essais en culture pour le fourrage seront beaucoup plus tardifs, et en Russie, en 1950. En France, des essais à vocation fourragère de l'Inra datent de 1974. À l'époque, les résultats ne semblent pas satisfaisants, en tout cas pas face au maïs hybride qui détrône la silphie. Le regain d'intérêt pour la silphie arrive avec la méthanisation, en Allemagne, vers 2010. En 2024, la silphie occupe 10 000 ha en Allemagne. 8 000 ha en France, principalement à l'est et au nord de la Loire. En Nouvelle-Aquitaine : 200 ha en 2023 mais pas dans la Vienne. "La silphie a été implantée dans notre département en 2024 sur environ 4 ha mais sur des petites parcelles pour commencer " souligne Christine Archenault, référente innovation, recherche et développement à la Chambre d'agriculture de la Vienne.
Lors d'une réunion organisée à Avanton, il s'agissait de présenter les aspects agronomiques et environnementaux de la culture de la silphie, dans le cadre du projet Décisif (Décrire et expertiser la silphie perfoliée). Objectif ? "Étudier la faisabilité technique de la culture, ses intérêts agronomiques et environnementaux. Il faut se demander aussi comment sécuriser le semis, quand et comment récolter, étudier la rentabilité pour le fourrage et la méthanisation" liste Christine Archenault. Beaucoup de questions parce que la silphie est pour l'heure une culture innovante dont on connaît peu de chose. Le projet Decisif passe donc par des enquêtes, des suivis de parcelles et des tests en parcelles d'expérimentation comme à l'Inrae à Lusignan, avant des évaluations.
Des besoins en eau à l'implantation
Laurent Brault (céréales et caprins à Migné-Auxances) témoignait de son expérience auprès des techniciens de la Chambre d'agriculture de la Vienne, de Valeurs Agri Métha ou encore d'Eaux de Vienne et de Grand Poitiers (partenaires du projet Decisif avec l'Europe et la Région Nouvelle-Aquitaine). " Je l'ai implanté après une sive d'hiver, un seigle ramassé en avril, sur une prairie historiquement. Après deux passages de déchaumeur, j'ai semé en mai 2024. J'ai biné la parcelle en juin. On a eu de la chance l'année dernière car il a beaucoup plu" détaille Laurent Brault qui ne cache pas les difficultés dans le semis. Il semble en effet que la silphie ait besoin d'eau à l'implantation. Ce qui pose évidemment la question de l'irrigation. Mais l'implantation, fin mars, est aussi une période de croissance plus précoce que le maïs, quand les apports en eau peuvent être suffisants. Et la question de l'eau se pose au départ car ensuite, son système racinaire semble lui apporterait une bonne tolérance à la sécheresse tout en se plaisant tout autant dans les sols saturés en eau en hiver. Et si pour Laurent Brault la culture de la silphie est un apport de digestat solide dans l'unité de méthanisation de Migné-Auxances pour l'année prochaine (la récolte se fait à partir de la deuxième année), la question du fourrage se pose aussi. Au stade de bouton, les valeurs fourragères de la silphie semblent prometteuses. Il s'agit alors de la comparer avec le maïs. "Le potentiel de la silphie semble plus important que le maïs dans des zones froides et humides et le rendement est aussi supérieur au maïs dans des conditions sèches" précise Nicolas Ferrand, chargé de mission innovation en agronomie à la Chambre d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine.
Des vertus face au changement climatique
"Après la difficulté du semis et de l'implantation passée, ce n'est pas une culture contraignante et je n'y passe pas de temps" affirme Laurent Brault. " Et le nombre de plants au m2 a bien augmenté. Passant de 8 à 20 à certains endroits" se satisfait Christine Archenault qui relève aussi une forte concurrence des adventices qui peuvent expliquer des échecs d'implantation.
La silphie présente des avantages qui pourraient en faire une culture phare dans le contexte actuel de changement climatique. "Une couverture du sol toute l'année, une protection contre l'érosion et la lessivation des sols, et donc des nitrates et le stockage de carbone" liste Christine Archenault.