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Covid-19
La production déstabilisée par une consommation imprévisible

La crise sanitaire actuelle et le confinement qu’elle impose révèlent la relation étroite qui existe entre production et marché. Quelle que soit leur activité, les acteurs des filières agricoles sont contraints de s’adapter. Le contexte actuel est pesant.

© Agri 79

« On a perdu 1 euro du kilo carcasse »

 Du 15 mars au 20 avril, Jean-François Marteau, sort 300 agneaux. Sa production est calée sur les périodes de forte consommation : Noël et Pâques. « Ces quatre à cinq derniers mois, nous travaillions en flux tendu. Le vendredi, j’annonçais au négociant le nombre d’animaux venus. Le mercredi, tout était parti ». Depuis novembre, la dynamique des filières qualité Le Diamandin ou l’IGP L’agneau du Poitou-Charentes était « correcte à bonne. Une bouffée d’oxygène après un été 2019 très difficile », analyse l’agriculteur. Malheureusement, dix jours auront suffi à tout remettre en question.

« Depuis l’allocution présidentielle du 12 mars, les opérateurs sont frileux ». Les ventes sont en baisse. La pression sur les prix augmente. « On a perdu 1 euro du kilo carcasse, soit 50 cts du kilo vivant ou un minimum de 20 euros par bête ». L’éleveur ne peut que constater les difficultés. « Les boucheries traditionnelles sont fermées. Les restaurants, débouchés privilégiés de nos produits de qualité, le sont tout autant. Je crains qu’en cette période d’inquiétude, les gens n’aient pas le cœur à consommer de la viande que l’on associe aux repas de fête ».

La filière s’est mobilisée pour pousser les produits français dans les GMS. « Peut-être un peu tardivement », commente-il, tout en reconnaissant que le travail a finalement été fait. « Mais pour faire face, les frigos se remplissent. La production sur pied dans les fermes est importante. Je crains que cet épisode ait un effet très négatif sur les prix jusqu’à l’automne ».

« Les délais de livraisons des produits phyto s’allongent »

«Il y a des difficultés, des lourdeurs, note Denis Maufras. Mais à ce jour, aucune situation difficile n’est restée sans solution ». Le responsable, en télétravail depuis déjà quelques jours, suit les approvisionnements de son entreprise à distance. « Le confinement est arrivé alors que la période de livraison des produits touchait à sa fin ». Le négoce du sud Deux-Sèvres juge que 90 % des semences de tournesol et de maïs sont aujourd’hui livrées. Les deux tiers sont déjà dans les fermes. « Mes collègues assurent les livraisons ». Denis salue leur implication. « Ils sont sur le terrain quand d’autres, et c’est mon cas, sont confinés. Ils travaillent avec une certaine pression. Ce n’est pas simple ».

Aux Ets Lamy-Bienaimé, les équipes prennent le temps nécessaire à la mise en œuvre de solutions pour les agriculteurs. « Les délais de livraisons des produits phyto s’allongent. Nous sommes passés de trois à quatre jours à une dizaine au moins. Nous connaissons bien nos clients. Si un besoin est urgent chez l’un d’entre eux, nous nous rapprochons de ceux qui ont du stock. Si les deux acceptent, la marchandise est transférée. Dès que possible, nous réapprovisionnons le client qui a bien voulu dépanner ».

Ces derniers jours, le technicien a changé son mode d’action. « Cette semaine, j’ai fait une prescription par SMS. Elle est venue clarifier le contenu de l’échange téléphonique réalisé avec l’exploitant, suite à mon déplacement sur le terrain ». Le client de Denis était inquiet. Une parcelle de féverole et pois, non désherbée au semis, se salissait. « On s’adapte. Mais rien ne vaut l’échange direct. Il y a moins de subjectivité ».

La force du système D

Dans les petites entreprises, les équipes sont adeptes du système D. À Agri Services Chanteloup, on associe cette compétence à un principe partagé par tous : « Le service aux agriculteurs est notre raison d’être », précise Jérôme Renaux, directeur général. Inquiet des conséquences du confinement sur les entreprises, mais également de cette période inédite sur le moral des gens, le responsable veut croire en la capacité de sa structure à tenir ses engagements auprès de sa clientèle. Depuis quinze jours, les équipes ont préparé les outils vendus tout en parant à l’urgent. L’enjeu pour Jérôme Renaux, sera plus fort dans les semaines à venir. « Commercialement, c’est de plus en plus compliqué. Nos fournisseurs ont, un temps, stoppé leur activité. Si nous ne pouvons pas livrer nos clients, nous ne vendrons pas ».

À Loudun, le magasin est fermé, l’accueil du public étant interdit. À Chanteloup, il reste ouvert, tout comme les ateliers des deux antennes. « Nous avons choisi de mettre en place des procédures pour travailler tout en respectant les gestes barrière. Nous n’intervenons chez des clients qu’après engagement de leur part, par signature d’un formulaire, du respect des règles sanitaires ». Ce préalable est plutôt bien accepté, juge le responsable, pour qui la prochaine étape, alors que les délais de livraison des pièces augmentent (de 24 h à 48 h), est de réussir à dépanner les agriculteurs dont l’activité dans les champs reprend. Jérôme Renaux y croit : par conviction, mais aussi obligation. « Pendant cette période le chiffre d’affaires risque fort de baisser ». L’opérateur se doit d’être là pour préparer l’après.

« Les gens se replient sur les produits de première nécessité »

Mabel Lestarquit a lancé son activité de production de spiruline (algue déshydratée riche en protéines et vitamines), à La Crèche, il y a deux ans tout pile. La crise du Covid-19 l’impacte de plein fouet, à tel point qu’elle se demande si elle s’en relèvera. « J’étais encore dans la phase où je cherchais à faire connaître mon produit. Tous les marchés et salons auxquels je devais participer sont annulés, ceux qui sont maintenus ne concernent que des produits strictement alimentaires et les gens qui s’y rendent ne sont pas dans des conditions propices à s’attarder sur les bienfaits de la spiruline. Par ailleurs, les envois par colis ne sont plus assurés et depuis le début du confinement, je n’ai enregistré que huit sachets vendus par mes circuits habituels (Plaisirs fermiers, La ruche qui dit oui, Le clic paysan), contre les 800 mensuels en moyenne ».

Face à cette situation préoccupante, la productrice assure sa trésorerie grâce à ses propres économies mais ne pourra pas payer ses charges des trois prochains mois. « J’imagine que d’autres producteurs sont dans mon cas : ceux de safran, d’escargots, mais plus largement, ceux qui pratiquent uniquement la vente directe sans être rattachés à des groupements. Cela va être dur de continuer. Les consommateurs n’ont pas la tête à s’intéresser à des produits atypiques, en plus d’être inquiets pour leur porte-monnaie. Mon seul espoir est que cette crise leur montre l’importance des circuits locaux ».

« Nous gérons beaucoup de choses au jour de jour »

 

Confiné, Patrice Deborde avoue n’avoir que peu d’informations sur les marchés, les abattoirs… « Après six mois de pluie, le beau temps permettant d’accéder aux champs arrive en même temps que le confinement. Nous avons beaucoup de travail. Et ce virus, ses risques, nous en rajoutent. Les papiers pour sortir, le temps supplémentaire pour se faire dépanner ou être livré en produits vétérinaires, c’est usant ».

Solidaire des personnels soignants « pour qui la pression est bien plus importante ces dernières semaines », Patrice prend son mal en patience. « Nous gérons beaucoup de choses au jour de jour ». La semaine prochaine, des poulets partiront. Pour le moment, l’éleveur ne sait pas si l’enlèvement sera manuel ou mécanique. « Tout dépend de l’abattoir qui les achètera ». Cette précision n’est pas sans incidence. « Les entreprises de ramassage, proposent des primes à leurs salariés pour sécuriser l’activité. En conséquence, l’heure de prestation augmente de 6 à 7 € HT, soit environ 500 euros sur le chantier de la semaine prochaine », précise Patrice. C’est une charge supplémentaire, note l’éleveur. Mais il vaut mieux ça que garder les volailles quelques jours de plus et casser le cycle de rotation des bandes. Ces derniers jours, les marchés sont lourds. En moyenne les vides sanitaires s’allongent à quatre semaines. « En canards et pintades, les échos que j’ai ne sont pas positifs ».

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