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Interview
« La PAC c’est l’avenir, l’objectif de la France est de maintenir les aides »

Nouveau ministre en charge des Affaires européennes, Laurent Wauquiez fait le point sur le dossier agricole.

Laurent Wauquiez, ministre en charge des Affaires européennes.
Laurent Wauquiez, ministre en charge des Affaires européennes.
© DR

Vous êtes ministre des Affaires Européennes, allez-vous travailler sur le dossier de la future politique agricole européenne en lien avec Bruno Le Maire ?
Laurent Wauquiez : Les sujets agricoles sont au cœur de mes préoccupations. Je viens d’un département rural et je sais ce que l’on doit à l’agriculture. Qu’elles que soient mes fonctions, je me suis toujours battu pour le soutien et le développement de l’agriculture. Dans le cadre des politiques européennes, la PAC est encore une des plus importantes, et ce en termes de budget, de visibilité, et de symbole européen. Parmi tous mes dossiers, l’agriculture est numéro 1. Et pour exemple, dans les négociations sur le budget européen, la priorité pour la France, c’est la PAC. C’est ce qui m’amène à travailler avec Bruno Le Maire et avec les organisations professionnelles et syndicales, que je sois en Auvergne, à Paris ou à Bruxelles.


Quels sont les autres grands dossiers actuels européens ?
La politique industrielle, la défense des emplois, les échanges étudiants (programme Erasmus)… entre autres.


Quelle est la position de la France sur le futur budget de la politique agricole européenne d’après 2013 ?
L’agriculture est un secteur d’avenir. Certains collent à la PAC une étiquette de politique vieillotte, du passé, qui n’aurait plus de sens. Notre approche, c’est l’inverse… La PAC c’est l’avenir. Parce que c’est un secteur fondamental en termes  d’emplois ; en Europe, 11 millions de personnes dépendent de l’agriculture. Parce que ce que l’on mange, la qualité de notre alimentation, ce sont des questions qui préoccupent tout le monde. Et parce qu’il ne faut jamais oublier l’importance de l’autonomie et de l’indépendance alimentaire de l’Europe. Sur le nouveau budget de la PAC, l’objectif de la France est donc de maintenir les aides PAC. Il y a deux ans, cette position n’était pas partagée par tous au niveau européen. Aujourd’hui, les choses bougent. De plus en plus de pays ont rallié cette position. Dacian Ciolos, commissaire européen à l’Agriculture et au Développement durable, a à cœur de défendre la PAC et le document de travail rendu par la commission est positif, il va dans le sens de la France. Mais ce sera une très grosse bataille.


Les agriculteurs demandent une simplification des règles administratives qui leur sont imposées et une meilleure cohérence dans les différentes mesures auxquelles ils peuvent prétendre. Dans son projet de réforme, Dacian Ciolos dit, lui aussi, vouloir une conditionnalité simplifiée. La France - qui parfois durcit les règles avec une surenchère de contraintes - partage-t-elle cette volonté ?
La complexité des règles administratives est un sujet majeur. Il y a quelques années, j’avais voulu me rendre compte par moi-même en allant dans une exploitation agricole uniquement pour remplir des papiers, avec des amis nous avons passé toute la journée et toute la soirée avec à la fin un mal de crâne pour moi face à cette paperasserie excessive… Je suis donc bien conscient de cet excès de paperasses et de contrôles. Mais je dois dire que ce n’est pas toujours la faute de l’Europe. Souvent la France se tire une balle dans le pied avec des règles tatillonnes. C’est la réalité, on doit balayer devant notre porte… et c’est aussi vrai dans d’autres secteurs comme les associations ou les communes…Personne n’a à y gagner en termes d’image, et c’est en plus une perte de temps. Mais surtout, j’ai une vraie inquiétude.


Les politiques, sociale, salariale et fiscale, appliquées aujourd’hui en France pénalisent nos entreprises, notamment agroalimentaires, et les rendent moins compétitives. Quelle est votre position ? Peut-on attendre une uniformisation européenne ?
Là aussi je l’ai constaté. C’est un des éléments qui a pesé lors de la crise laitière, les Allemands étaient plus compétitifs que nous. La France n’a pas été assez responsable. Quand on dépense tout et n’importe quoi (exemple : la protection sociale, des promesses trop chères…), ça se retrouve sur les charges et ça pénalise la production. Trop d’années, la France a fonctionné au-dessus de ses moyens pendant que d’autres pays ont fait des efforts et ont gagné en compétitivité. La priorité aujourd’hui, c’est de mieux gérer et d’équilibrer pour être compétitifs. Une réflexion devrait être conduite avec l’Allemagne pour rapprocher nos systèmes d’imposition… Ça a bougé dans ce sens.


La forte volatilité des prix, liée aux cours mondiaux, à laquelle nombre de productions sont soumises, conduit régulièrement à des crises conjoncturelles. De par les règles européennes sanitaires, sociales, environnementales… la compétitivité de nos produits est mise à mal. Qu’est-ce que la France propose en termes de protection du marché européen pour maintenir la compétitivité de nos produits ?
L’agriculture, ça se construit dans la durée. Quand on est confronté à une grande volatilité des prix, quand les agriculteurs se retrouvent en face de spéculateurs… ça ne peut pas marcher. La France milite pour une régulation des prix des denrées, avec une gestion des stocks, une régulation des marchés de spéculation, pour une stabilité. Cette question était taboue pour la Commission. Mais elle bouge aujourd’hui dans le bon sens.Nicolas Sarkozy va en faire une priorité pour le G20. Les enjeux peuvent paraître lointains mais l’impact est direct. Se protéger n’est pas un gros mot ; il s’agit de défendre notre agriculture sur un plan commercial et de sortir du libre-échange pour le libre-échange. Si tout le monde respecte les règles, on est bien évidemment d’accord avec le libre-échange. Je voudrais insister aussi sur un sujet d’actualité, ce sont les négociations bilatérales avec le Mercosur qui portent sur un contingent de l’ordre de 300 000 tonnes de viande. Pour nous, c’est une ligne rouge qu’on n’acceptera jamais de franchir. La France s’opposerait à un tel projet d’accord. Ce n’est pas le mandat de négociation confié par les États membres à la Commission européenne.


Le Bilan de santé de la PAC a plutôt été favorable aux productions herbagères et aux zones de montagne. Après 2013, la France va-t-elle continuer à pousser dans ce sens pour maintenir des soutiens vers ce type d’agriculture qui permet de garder des territoires ouverts et vivants ?
Il faut reconnaître que les céréaliers ont joué le jeu ; pour eux, le Bilan de santé de la PAC s’est traduit par des efforts.Les efforts des uns et des autres ont permis aujourd’hui de défendre plus fortement la PAC car la politique est plus cohérente et mieux adaptée au territoire. Les agriculteurs ont toujours su faire des efforts pour défendre une cause commune. Mais ces aides ne sont pas des cadeaux dans mon esprit… c’est la concrétisation d’une volonté politique pour garder un avenir à la politique agricole. Sans aides, on ne finirait par n’avoir que des batteries de vaches dans des immeubles dans le port de Rotterdam pour produire du lait à partir de maïs… Pour maintenir une agriculture sur tout le territoire, avec les surcoûts qui s’imposent, il faut compenser les handicaps naturels. Ce sont les agriculteurs, qui ont permis aux Français de gagner le plus en pouvoir d’achat. Par leur travail, ils nourrissent la population à un coût moins élevé. Si le réflexe du consommateur est de toujours rechercher le produit le moins cher sans se soucier de la qualité, c’est perdu. Il faut inciter au réflexe qualité, et si possible en direction des filières courtes. C’est un sujet sur lequel nous travaillons avec Bruno Le Maire.Les agriculteurs ne sont ni des assistés, ni des profiteurs. Ce sont des gens qui travaillent dur et qui forment un des piliers fondamentaux de la société.

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