Aller au contenu principal

Témoignages
Grippe aviaire : quel avenir après la crise ?

En Deux-Sèvres et en Vendée, les éleveurs avicoles sont encore sous le choc de l’épisode d’influenza qui vient de déferler. Se remettant difficilement, ils se posent
des questions sur l’avenir, la biosécurité et le maintien de la filière.

© DR

Quentin Le Thoueil, éleveurs de volailles du quotidien, Voulmentin

« On s’est beaucoup soutenus entre confrères »

«En termes de dates et de zonages, je suis passé entre deux arrêtés. Cela a permis que mes animaux soient correctement valorisés et ne finissent pas en “ Pet food ”. Depuis fin avril, les bâtiments sont vides, c’est la première fois que ça m’arrive depuis mon installation en 2018. J’ai mis presque quinze jours avant de rouvrir les portes : c’était dur de voir cet outil de travail là pour rien. J’ai relativisé car je suis moins touché que d’autres. Le groupement Bellavol nous a soutenus, on a beaucoup échangé avec les confrères, réparé les bâtiments, préparé les remises en place, ça faisait du bien au moral. La MSA, le Cerfrance, Groupama ou le Crédit Agricole ont été compréhensifs en faisant des pauses dans les prélèvements.

Je devrais pouvoir redémarrer courant juillet, je suis prêt à repartir. J’espère qu’on aura tiré les enseignements de cette crise. Que les services de l’État regarderont davantage de notre côté que du côté de Paris. Qu’on comprenne que la biosécurité ne fait pas tout, en plus de nous coûter cher et de nous rendre moins compétitifs que d’autres pays. 

Je me pose des questions sur la sur-désinfection : la nature a horreur du vide, qu’est-ce qui prendra la place de ce qu’on veut chasser ? Je n’ai pas entendu trop de cas d’opérateurs ou de ramasseurs qui veulent arrêter le métier. J’ai plus d’échos d’éleveurs qui veulent faire autre chose, même des jeunes… ».

 

Jean-Robert Morille, éleveur et producteur de canards gras, Augé 

« Concernant l’avenir, j’ai une foule d’interrogations »

« On est à peu près sûr que la grippe aviaire va revenir, alors que fait-on maintenant ? Je n’ai que des points d’interrogations pour l’avenir. Ici, on a réussi à maintenir nos emplois en mettant en place du chômage technique une semaine sur deux mais chez les voisins, des salariés ne reviendront plus. Si on veut que la filière ne s’écroule pas, il faut travailler sur des questions de fond : celle de l’immunité selon les systèmes plein air ou confinés, la connaissance du virus et de sa diffusion, les dossiers d’indemnisations (nous les avons attendues trois ans après l’épisode de 2017, et l’État ne pourra pas mettre 1,5 milliard d’euros sur la table tous les ans), la définition des zonages pas toujours cohérente, la gestion des effluents mais aussi des sites de repro…

À la place d’une gestion macro-télécommandée par la capitale, on pourrait imaginer une gestion sur critères, au plus près du terrain. Selon le degré d’autarcie du système, son mode d’élevage, sa concentration, on mettrait en face des mesures plus ou moins strictes. La Dordogne l’a fait cette année : les élevages autarciques ont été exemptés d’abattages préventifs. Nous avons pu valoriser et stocker 30 000 canards sur les 32 000 qui restaient sur site et nous avons pu enfin accueillir la semaine dernière 2 700 canes, après douze semaines d’arrêt de livraison.

Mais se réjouir pour autant, non, si c’est pour revivre un confinement l’hiver prochain. On ne peut pas se projeter, on ne fait pas l’essence de notre métier, on fait du tout stérile là où on faisait tout depuis des années pour ramener du bio, de la biodiversité. Il faudrait un plan de filière solide sur quinze ans ».
 

Lionel Bocquier, éleveur de poulets en agriculture biologique, secteur de Challans (85)

« Un tsunami traumatisant »

« Un matin de mars, je constate que cinq de mes poulets d’une même case sont morts. Tout de suite, j’appelle le vétérinaire. Il prélève des échantillons qui se révèlent être positifs au H5N1 deux jours après. Depuis le 13 mars, ce bâtiment est vide. Les lots présents dans notre deuxième bâtiment ont pu être valorisés avant que l’élevage ne soit déclaré comme foyer. En temps normal, le vide sanitaire dure un mois. Étant donné l’ampleur de la crise cette année, nous n’avons toujours pas pu procéder à une remise en place. Elle pourrait avoir lieu autour du 20 juillet mais rien n’est sûr…

Heureusement, j’ai bien reçu le 10 mai une aide à hauteur de 75 % de la valeur marchande objective (VMO). Toutefois, les 25 % restants nous font défaut. Pour le moment, nos groupements (Éleveurs de Challans en ce qui me concerne) font tampon en nous octroyant des prêts mais la situation reste compliquée en termes de trésorerie. Nous sommes toujours dans l’attente de l’indemnisation des vides. Le tsunami causé par la grippe aviaire nous a traumatisés ».

 

David Briton, éleveur de poulets et pintades Label rouge, secteur de Challans (85)

« Je crains une éventuelle recontamination »

« Jeudi 9 juin après-midi, poulets et pintades ont fait leur retour dans mes deux bâtiments après quatre mois de vide sanitaire. En effet, je me suis retrouvé en zone de surveillance dès février. Le point positif, c’est qu’on n’a pas perdu d’animaux. Depuis, je n’ai pas reçu d’indemnisation pour le vide sanitaire et à mon avis, on ne va pas la recevoir avant l’automne. Or, l’atelier volailles représente entre 55 et 60 % du chiffre d’affaires de mon exploitation. Tous ces mois sans pouvoir travailler, c’est long et dur à accepter, d’autant plus que les charges pour les investissements réalisés se poursuivent.

Je suis content d’accueillir de nouveau des volailles mais, à présent, je vais entrer dans mes bâtiments avec la trouille au ventre… Les mesures de biosécurité n’ont pas suffi à contenir l’épidémie. Mes poulets, en label, sont la moitié du temps dehors. Sachant que le virus est majoritairement transmis par les oiseaux sauvages et par l’homme, avec un facteur aggravant qui est le vent, ça va être compliqué d’éviter une nouvelle vague si elle revient. Je crains une éventuelle recontamination… Toutefois, les mesures vont se durcir : mes animaux seront testés dans les trois semaines à venir, en plus des deux jours avant l’abattage ».

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout Caracterres.

Les plus lus

L'atelier des 6 Vallées réunit des producteurs de la Vienne et des Deux-Sèvres.
L'Atelier des Vallées prend forme
L'atelier collectif de découpe et de transformation de produits locaux des Vallées devrait voir le jour début 2026 à Coulombiers…
Les membres du syndicat de la race Limousine des Deux-Sèvres ont acté une présidence partagée entre Bruno Valadeau et Killian Girault.
Deux présidents pour la Limousine

La présidence du syndicat deux-sévrien de la Limousine est désormais partagée entre Bruno Valadeau et Killian Girault, un…

Baptiste Conreaux amène les commandes de fruits, légumes, jus et œufs à la porte de ses clients.
Des produits locaux livrés à domicile

Si la demande de livraison de fruits et légumes locaux était forte pendant la crise sanitaire, elle s'est bien estompée ces…

Laurette Didière vient de créer son agence Charentes In Flow.
Découverte touristique sur-mesure des Charentes
Laurette Didière créé une agence de tourisme réceptive : Charentes In Flow.
La Chambre d'agriculture de Charente (représentée par son président Christian Daniau) a porté le dossier pour tout le Poitou-Charentes. Aux manettes : le service Environnement, dirigé par Audrey Triniol.
La MAEC zone intermédiaire financée en intégralité
Tous les agriculteurs éligibles à la mesure agro-environnementale et climatique "zone intermédiaire en Poitou-Charentes", qui en…
Guillaume Roux et Cassandra Bœuf veillent sur leurs escargots.
Nouveaux anges gardiens pour les cagouilles
Cassandra Bœuf et Guillaume Roux ont repris la Cagouille charentaise, à Mons. L'exploitation hélicicole va déménager dans les…
Publicité