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Entrepreneurs des territoires : «Les paysans sont beaucoup trop discrets !»

La géographe donne des leçons. Notamment celle que les agriculteurs prennent la parole et ne laissent plus les autres parler à leur place.

Dialogue impromptu entre les entrepreneurs des territoires et la géographe Sylvie Brunel.
Dialogue impromptu entre les entrepreneurs des territoires et la géographe Sylvie Brunel.
© AC

Peut-être que la passion l’aveugle, que sa promiscuité avec le monde agricole affecte son entendement. Pourtant professeure-géographe à la Sorbonne, auteure de nombreux livres, elle devrait discerner que ce modèle agricole n’est plus d’actualité et encore moins du futur ! Et bien non, Sylvie Brunel persiste dans son entêtement, étaye son argument d’exemples percutants, de contre-exemples de la logorrhée anti-paysanne des médias. Elle se fait à la fois leur défenseur, mais aussi leur aiguillon, les incitant à communiquer, à parler de leur métier, de leurs process. Et le parterre d’entrepreneurs de territoire qui l’écoutait reprenait, en une matinée d’assemblée générale, à Aulnay, espoir : le secteur n’était pas voué à sa perte, le métier n’était pas condamné. Ce n’était pas simplement de la rhétorique bien faite, ou de la flagornerie pour justifier une prestation. Il y avait dans le discours, dans la démonstration, de l’amour pour le secteur économique. La géographe avouait avoir reçu, le matin,  «une leçon» sur le plancher des vaches, en parcourant les distances planes entre Niort et Aulnay. Pourtant elle est pragmatique, pile dans les «soucis» des agriculteurs sur leur stratégie. Elle ne se sert pas de l’alibi des politiques européennes pour noyer le poisson dans de la macro-économie : ce sont les attentes, parfois très contradictoires des consommateurs, qui dictent la danse. Qu’à cela ne tienne, elle démontre que ces raisonnements sont infondés, irréalistes ou absurdes. Pourtant, ils conduisent les politiques publiques qui à coup de 20 % ou 50 % de bio dans les assiettes scolaires, espèrent résoudre la problématique de la production française, qui de coup de butoir en coup de butoir sur les substances «nocives» rendent impossible la fourniture de l’alimentation. Il est loin le temps où il fallait l’indépendance alimentaire au sortir de la guerre et dans les 30 glorieuses.

Occuper le front du discours


«La France est amnésique sur les progrès accomplis par le monde agricole» lance Sylvie Brunel «pourtant ils ne manquent pas de technicité, de professionnalisme les agriculteurs. L’excellence ne s’obtient pas par miracle. Et l’agriculture est un enjeu géostratégique pour notre pays.» Ce qu’elle nomme les «joueurs de flûte», «donneurs de leçons» passent à sa machine à décortiquer. Des «fake news» qu’elle retourne. «Je veux bien les dénoncer dans les médias, mais il faut que la profession agricole se trouve des porte-parole. Vous êtes absents !» Sa connaissance des pays, Nord-Sud, lui donne une crédibilité dans le discours. Elle lance que «les valeurs d’hier sont devenues les problèmes d’aujourd’hui.» Le rouleau compresseur des exigences environnementales ne doit cependant pas figer l’agriculture. «Arrêtons de nous servir d’indicateurs qui ne sont pas ceux d’une profession pour régenter cette dernière.» Elle appelle à la prise de pouvoir, médiatique et verbal. Occuper le front du discours. «L’agriculture 4.0 est en marche. Les agriculteurs sont victimes d’un mauvais procès de la part d’urbains qui ont oublié la peur de manquer, qui ne savent plus à quel point la France était dépendante.» Sylvie Brunel l’écrit* : «ce livre passe en revue les sujets qui fâchent : l’utilisation de produits phytosanitaires, l’irrigation, la diversité des modèles complémentaires. Les urbains ne produisent pas la nourriture, mais ont des besoins considérables. C’est une population qui augmente rapidement et qui fait partie de plus en plus de la classe moyenne. Il ne faut se tromper dans les préconisations à l’égard de cette agriculture, innovante. Il ne faut pas prendre le risque en France de la perdre.» Elle n’hésite pas à parler de sursaut, pour ne pas connaître la disparition type sidérurgie, textile ou charbonnage. «Le jour, où nous n’aurons plus d’agriculteurs parce que nous les aurons découragés, nous réaliserons à quel point nous avons saccagé ce qui faisait notre force et notre réputation à travers le monde.»
Les agriculteurs mal-compris ou mal-défendus ? Sylvie Brunel est claire : «à eux de parler d’une seule voix. Même s’ils ne sont pas de bons communicants.» Elle préconise plus de rencontres des urbains avec le monde agricole et souhaite que l’on stoppe de leur tirer dans les pieds «en empêchant de produire» ou en «créant des conditions de distorsions de concurrence.» Elle est intarissable sur les «atouts» des agriculteurs  : entretien des paysages d’une beauté mondiale, des chemins, des produits d’excellence, leur passion, leur technicité… Quand on vous dit qu’elle est amoureuse.

 

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