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Agribashing, vols, dégradations: les agriculteurs se sentent mal-aimés

En 10 jours, les OPA de la Vienne se sont réunies deux fois autour du Préfet. Après l’observatoire départemental de l’agribashing, c’est en effet un comité de pilotage dédié au mal-être agricole qui a été mis en place.

Le Préfet et les représentants des forces de l’ordre et de la DDT ont fait un bilan des atteintes repertoriées dans la Vienne contre le monde agricole.
© Elisabeth Hersand

C’est un paradoxe qui ne concerne pas que le monde agricole. 91% des Français ont une bonne opinion des agriculteurs (selon une étude Ipsos de février 2022), mais dans le même temps, les exploitants se sentent régulièrement dénigrés et estiment faire l’objet d’attaques régulières. Et d’après les services de l’État, ce n’est pas qu’une impression: entre janvier et août 2022, 133 faits ont été recensés (auprès de la gendarmerie et de la police), contre 88 sur la même période de 2021, dont 107 cambriolages, soit une augmentation de 30%. Des vols de matériel ou de carburant, dégradations, tags et contestations de l’activité qui ont cette année tout particulièrement concerné l’irrigation. «L’augmentation du prix des carburants a fait progresser les vols de GNR» (ndlr: lire dans notre édition du 5 août) ajoute le préfet. «Au final, la charge mentale pour les agriculteurs et leurs familles est vraiment importante» convient Jean-Marie Girier, le préfet de la Vienne. La semaine dernière, il a réuni l’observatoire départemental de l’agribashing, lancé en 2020, pour faire le point sur ce problème avec les OPA de la Vienne, mais aussi les services de l’État, de sécurité et les représentants des élus. «90% du département est cultivé, c’est donc un sujet vraiment important». Depuis 2015, les forces de l’ordre ont mis en place un système d’alerte des agriculteurs, dès qu’un vol ou une dégradation est constaté, notamment par l’envoi de SMS. «Nous diffusons aussi des messages de prévention, et nous avons des gendarmes spécialisés, qui peuvent donner des conseils, de façon gratuite (1)» explique le Colonel Arnaud Girault, commandant le groupement de gendarmerie de la Vienne. Si ce système d’alerte va être renforcé, le préfet annonce qu’un accompagnement spécifique va être mis en place pour les propriétaires de réserves de substitution. «Nous souhaitons aussi favoriser le dépôt de plaintes, en proposant un dépôt chez l’agriculteur, et l’association des maires ruraux propose des rencontres entre élus et exploitants». Un dialogue qui semble plus que jamais primordial. «L’enjeu de communication est important. Nous avons eu le témoignage d’un viticulteur qui vendangeait de nuit, ce qui suscitait des tensions avec les riverains» détaille le Préfet, avant d’ajouter que les panneaux installés sur les champs cet été par les semenciers pour expliquer qu’ils disposaient d’une dérogation pour irriguer, ont été efficaces et appréciés. «On sait que les attentes sociétales ont progressé concernant l’agriculture. Le consommateur a des exigences de qualité, de bien-être animal, de traçabilité...» Dans le même temps, les services de l’État ajoutent que les contrôles menés auprès des agriculteurs, dans le cadre des aides Pac notamment, mais aussi du respect de la réglementation concernant les phytosanitaires ou les restrictions d’irrigation, sont régulièrement menés, et que les infractions sont peu nombreuses. Sur les 428 contrôles menés depuis le début de l’année, 178 ont mis à jour des anomalies mineures. Le système d’avertissement précoce a été activé, avec un rappel de la réglementation et une remise en conformité, sans incidence financière pour l’exploitant. Sur les atteintes subies par les agriculteurs, notamment dans le cadre d’opposition aux réserves de substitution ou  de l’élevage, le Préfet prévient: «La frontière entre l’incompréhension, les oppositions et les incivilités, ou l’intimidation, c’est la loi. On ne peut pas dégrader impunément. Si on légitime les violences, on sort du cadre démocratique». Selon Jean Lacotte, vice-procureur en charge des contentieux de l’environnement et des atteintes aux personnes, «toute infraction pénale caractérisée par le parquet fait l’objet de poursuites, systématiquement».

Quand la charge mentale est insupportable

Même si les causes du mal-être agricole sont très nombreuses, et sont souvent liées à l’équilibre financier des exploitations, impossible de ne pas relier ces  atteintes aux agriculteurs au nombre de suicides. Dans la Vienne, la MSA en a répertorié 7 depuis le début de l’année, parmi les actifs. Un chiffre qui ne prend pas en compte les salariés, qui ont par exemple été particulièrement affectés par la grippe aviaire; ni les retraités agricoles et les familles des exploitants. Et puisque l’État a fait de la prévention du suicide une cause prioritaire, le Préfet de la Vienne avait à nouveau mis les OPA, collectivités, vétérinaires, professionnels de la santé et syndicats autour de la table, mercredi dernier. «C’est un premier comité de pilotage, qui permettra de mettre en place un plan d’actions» annonçait à la sortie de la réunion Jean-Marie Girier, en décrivant des échanges riches, qui ont notamment permis de lister le panel de ce qui se fait déjà: numéros vert (2), formations Sentinelles proposées par la MSA, aide au répit, comité Fertil, et autres accompagnements réalisés par Solidarité Paysans. À ses côtés, Jean-Marie Gautier, président de la MSA, a rappelé que ces actions ne sont pas forcément connues de tous, y compris des différentes structures, d’où l’intérêt de la mise en place de ce comité de pilotage. «Nous pouvons par exemple aménager un échéancier pour les agriculteurs, après un simple coup de fil» insiste-t-il. Vice-présidente de la chambre d’agriculture, mais aussi présidente du comité Fertil, Karyn Thiaudière ajoute que la détection de ces situations de détresse est particulièrement compliquée. «Il n’y a que le travail ensemble qui pourra faire que cela fonctionne». En 2021, 48 agriculteurs étaient suivis par le Comité Fertil, 72 par Solidarité Paysans, et la MSA a déclenché 233 aides au répit et 91 soutiens psychologiques.

(1) Ces référents sûreté peuvent être contactés par téléphone: 05 49 00 57 07;   07 77 34 16 46;  06 08 18 24 57 ou par mail: ptm.ggd86@gendarmerie. interieur.gouv.fr

(2) AgriEcoute: 09 69 39 29 19 et numéro national prévention suicides: 3114

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